Les évaluations scientifiques des risques complexes sont confrontées à un certain nombre d'incertitudes qui revêtent des formes diverses, difficilement appréhendables, de manière efficace, dans la pratique. Pourtant, des décisions doivent être prises et ce, avant que des preuves concluantes ne soient disponibles, tout en sachant que les impacts potentiels de fausses décisions peuvent être tout aussi importants.
Selon la conception classique du conseil scientifique aux décideurs, la certitude est nécessaire à la gestion des problèmes complexes. Cependant, l'incertitude fait partie de la vie. Les évaluations scientifiques doivent intégrer l'information allant de l'ensemble de connaissances scientifiques bien établies aux conjectures intuitives, aux modèles préliminaires, aux hypothèses expérimentales. Dans de tels contextes, l'incertitude ne peut, la plupart du temps, être réduite par des recherches additionnelles ou par des expertises comparatives en vue d'une interprétation consensuelle des risques. Plus de recherche peut au contraire conduire à plus d'incertitudes, affaiblir la preuve et, par voie de conséquence, aggraver la polémique. Analyser « techniquement » l'incertitude ou simplement feindre le consensus autour des interprétations de preuves peu concluantes n'est donc pas suffisant.
Les études en sciences sociales sur les expertises scientifiques montrent que, dans beaucoup de problèmes complexes, les processus suivis - tant au sein de la communauté scientifique qu'entre elle et les décideurs, les parties prenantes et les autres membres de la société - pour l'évaluationii des connaissances scientifiques jouent un rôle déterminant dans la façon dont elle est reçue en tant que base commune pour l'action.
C'est dans cette perspective qu'est posé la question de la validité et de la pertinence de la connaissance scientifique pour traiter de problèmes complexes. Cette question donne lieu à tout un ensemble de réflexions et de formalisations, qui s'identifie en tant que tel autour de la notion d'« assurance qualité de la connaissance ». La nouveauté qu'introduisent ces réflexions est qu'au-delà de ses pratiques habituelles visant à identifier et évaluer de façon rigoureuse les incertitudes relatives à la production et la structuration de la connaissance, l'activité scientifique doit prendre en considération cette notion et trouver les modalités de son intégration dans la démarche d'acquisition des connaissances. On doit souligner l'importance du changement de posture que suppose cette intégration, dans la mesure où invoquer la nécessité d'une « assurance qualité de la connaissance » implique une communauté de « pairs » élargie par l'intermédiaire d'un processus délibératif au sein de la société. Cela conduit également à s'interroger sur la pertinence de ces connaissances dans des contextes sociaux, culturels et politiques variés.