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Interroger l’équité sociale et environnementale d’un ‘mégaprojet’ hydraulique
DETAILS
Alors que la croissance démographique et économique ainsi que les changements climatiques aiguisent les tensions autour des ressources en eau, nombreuses sont les nations qui ont (ou envisagent d’avoir) recours à la dérivation massive de leurs (grands) cours d’eau vers des régions en déficit.
Au-delà d’impacts locaux qui peuvent être majeurs (emprise au sol des nouvelles voies d’eau, modifications de la faune aquatique, réduction des débits en aval, réduction des quantités d’eau disponibles en amont etc.), ces travaux d’ingénierie de très grande envergure posent de nombreuses questions, à caractère notamment distributif. Quelle est la soutenabilité économique d’investissements massifs voués à transporter sur de très grandes distances une ressource dont la valeur monétaire est faible ? Sur la base de quels critères est effectuée la péréquation des ressources aquatiques et financières entre régions ? Quels usages de l’eau (présents et futurs) sont pris en compte et privilégiés dans cette redistribution des cartes régionales ?
Œuvre d’ingénierie nécessaire à l’atténuation de l’effet des sécheresses dans une région marquée par la pauvreté pour les uns, ‘éléphant blanc’, gouffre financier et objet politique à caractère clientéliste pour les autres, le projet de détourner les eaux du São Francisco (appelé communément ‘Transposição do São Francisco’, TSF) est depuis longtemps source de polémiques, mais il trouve sa concrétisation depuis 2007 et le lancement des travaux sous la présidence Lula. Il consiste en la construction de 720 km de canaux pour un montant de plus de 8 milliards de Reais ( ~3.5 millards d'Euros).
Notre travail de recherche consiste à interroger la soutenabilité de ce grand projet de transfert hydrique vers le Nordeste septentrional du Brésil, à travers le prisme du caractère équitable ou non de la redistribution des ressources et des opportunités de développement qui l’accompagne.
L’approche retenue mobilise diverses sources théoriques : économie politique ; travaux en écologie politique sur les mouvements de justice environnementale en Amérique Latine ; analyses des modèles de gestion de l’eau et de leur évolution/adaptation dans le cas particulier du Nordeste du Brésil ; géographie critique. Une série d’entretiens avec une diversité d’acteurs concernés par le projet et la gestion de l’eau au Brésil complètera une analyse des données disponibles, aussi bien qualitatives que quantitatives. Une remise en contexte dans le cadre très particulier de l’économie politique du Nordeste brésilien et une comparaison avec d’autres projets similaires dans des pays émergents ou en développement permettront de cerner les spécificités du projet étudié en termes de répartition de l’eau et de hiérarchisation des usages.
"L'ex-président Lula en visite sur un chantier du projet de dérivation des eaux du fleuve São Francisco, à Cabrobó (Pernambuco, Brésil)"
Pour plus d'informations, contacter Philippe ROMAN