Collaborative Projects
Anticipation et Gestion régionales des Ressources En GranulAts
IDENTITY
DESCRIPTION
MORE INFO
FILTERS
L'approvisionnement de la France en granulats naturels, qui représente, en 2010, 54 % des matières extraites du territoire français (MEDDE, 2012), est devenu un enjeu majeur pour les prochaines années. En effet, après la crise conjoncturelle de 2009, ayant entraîné une baisse de la demande, il est attendu que la consommation de granulats soit sur une tendance croissante pour les décennies qui viennent. Effectivement, en 2011, avec 421 000 logements mis en chantier, le chiffre d’affaires global dans le bâtiment a affiché une hausse de + 4,9 % par rapport à 2010, et celui des travaux publics a, quant à lui, progressé de + 4,4 % (UNICEM, 2012). Cette croissance devrait se poursuive dans les prochaines années. La réalisation du projet du Grand Paris avec ses 70 000 logements/an pendant près de 20 ans par exemple, entraînerait, à l’horizon 2030, une augmentation notable de la consommation en granulats de 4,7 Mt/an pour la Région Ile-de-France qui est la première région consommatrice de granulats en France (Chazelle et al, 2012). Cette croissance concerne également le domaine des travaux publics où, entre autres, le Grenelle de l'environnement, dans la loi de programmation du 3 août 2009, a annoncé la construction de 2 000 km de nouvelles lignes à grande vitesse pour 2020, puis 2 500 km supplémentaires pour 2030 (LGV, 2010).
Cependant, face à cette croissance attendue de la demande globale française, les estimations réalisées par la profession paraissent alarmistes en termes de production, en annonçant pour un futur proche une pénurie dans l’approvisionnement du marché, en pondéreux. La raison en est que la production est en baisse constante depuis 2007 : - 3,4 % en 2008, - 12,7 % en 2009 et - 2,9 % en 2010 (MEDDE, 2012). Et malgré une reprise de + 4,7 % de la production en 2011 (UNICEM, 2012), celle-ci n’arriverait pas, à long terme, à suivre la demande et ce, en raison de la persistance voire de l’intensification de nombreux types de contraintes :
- les premiers types de contraintes sont des contraintes de fait, qui rendent techniquement impossible l’exploitation d’un gisement : l’urbanisation, les emprises routières ou ferroviaires, le lit mineur des fleuves et rivières, les anciennes carrières, etc. Une des raisons majeures est que les plans locaux d’urbanisme (PLU) peuvent aujourd'hui, en cas d’arbitrage, s'opposer aux orientations et aux objectifs du schéma des carrières.
- les seconds types de contraintes, qui s’appliquent donc aux surfaces restantes (gisements potentiellement exploitables), sont d’ordre environnemental. Elles sont imposées en partie par une volonté politique de diminuer la production des alluvionnaires. L’objectif est double : (a) la prise en compte de la sensibilité des principales vallées alluviales qui sont difficilement restituables après d’éventuelles exploitations, et (b) l'engagement d'une politique de gestion rationnelle d'une ressource non renouvelable, dont les gisements devraient être privilégiés de plus en plus, uniquement pour les usages nobles (bétons hydrauliques et enrobés). A ces deux objectifs s’ajoute un souci de préservation du patrimoine naturel (Natura 2000, ZNIEFF, ZICO, etc…), les carrières étant soumises à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement.
- les troisièmes types de contrainte sont d’ordre social et font référence à la résistance toujours présente des riverains à l’ouverture de nouvelles exploitations. En effet, ces exploitations sont non seulement fortes consommatrices d'espaces, mais sont en outre sources de nuisances (bruit des mouvements d'engins, émissions de poussières, trafic lié à l'évacuation des matériaux, vibrations liées aux tirs de mines …).
Les substitutions aux alluvionnaires, notamment les granulats marins et les granulats issus du recyclage sont porteuses d’espoir pour contribuer à l’évitement de cette pénurie menaçante. S’agissant des granulats marins, ils présentent sans doute des perspectives déterminantes pour pallier la situation de manque sur le segment des granulats traditionnels, notamment pour les usages exigeants (qualité, forme …). Ainsi, alors que la production en 2010 était de l’ordre de 6 Mt (MEDDE, 2012), le total des autorisations en Manche, en 2011, était de l’ordre de 10 Mt/an et devrait être porté à 13 Mt/an avec les instructions en cours (Chazelle et al, 2012). De nouveaux navires sabliers sont construits et livrés chaque année, et constituent maintenant une flotte de taille significative qui va continuer à s’accroître. Cependant, l'extraction de sédiments marins nécessite une gestion rigoureuse (titre d’exploitation particulier) car il peut avoir des impacts négatifs sur l'environnement et sur les autres activités marines. De plus, la montée en charge de l’approvisionnement de l’agglomération par la Seine aval représente un changement important. En somme, les granulats marins sont prometteurs, mais nécessitent un suivi continu des contraintes sociétales, techniques et environnementales qui y sont liées, ainsi que de la chaine logistique.
Quant au recyclage, les évolutions en matière de déconstruction et de recyclage, bien qu’encore faible – environ 23 Mt soit 6,3 % de la production en 2010 (MEDDE, 2012) - verra son importance confirmée dans les prochaines années (ex : + 8,7 % en 2011 soit 25 millions de tonnes de granulats recyclés en 2011 ce qui représente 6,6% de la production totale de granulats (UNICEM, 2012)). Le développement de cette filière limitera par ailleurs in fine l’augmentation des distances de transport des matériaux consommés, générée par l’éloignement des carrières (doublement des coûts tous les 30 kms). Cependant, le développement de la filière reste aujourd'hui limité compte tenu des normes en vigueur dans le domaine de la fabrication des bétons : les produits de recyclage ne peuvent, pour le moment, être utilisés qu’en construction routière pour réaliser les terrassements (remblayages divers, couches de formes, fraisats…) et les assises de chaussées. De plus, il existe un frein social à l’adoption systématique du recyclage. Tout d’abord, au niveau des maitres d’ouvrage : cela concerne le choix de l’utilisation des ressources primaires plutôt que des ressources secondaires, juste pour des raisons d’habitude et/ou de sécurité sociale, un choix renforcé par le fait que le recyclage n’est pas encore aujourd'hui une obligation dans les cahiers des charges des chantiers de construction. Ensuite, au niveau des riverains : même si le recyclage est bien plus accepté que l’extraction des ressources primaires, notamment en raison de sa vision « développement durable », elles peuvent toujours être sources de nuisance au niveau de bruit, car les granulats recyclés sont aujourd'hui majoritairement transportés par camion. Une possibilité consiste à favoriser l’implantation des centres de recyclage aussi loin que possible des zones d’habitation, car ces centres ne sont pas contraints à une localisation des ressources naturelles. Cependant, cette démarche est fortement conditionnée par les coûts de transport occasionnés par le trajet zone de démolition – zone de recyclage.
Figure 1 : Schéma d’approvisionnement de l’Ile-de-France en granulats (en 2008)
Le travail de simulation prospective se basera sur la méthode système multi-agents ou SMA (Ferber, 1999 ; Wooldridge, 2009). Au vu de l’objectif du projet, le SMA permettra en effet de représenter la complexité de l’échelle régionale, notamment l’hétérogénéité des acteurs du marché des granulats (producteurs, consommateurs, recycleurs, décideurs, stockeurs de déchets …) à cette échelle voire à une échelle inférieure, ainsi que leur interaction et leur évolution. La méthode permet également de mieux représenter la distribution spatiale des objets géographiques (zones de production avec substances différentes, durée d’autorisation d’exploitation différentes, zones de consommation avec besoins différentes, contraintes environnementales, sites réaménagés, ISDI, etc…) et leur évolution temporelle dans le territoire régional métriquement défini par le concept d’environnement des SMA. A préciser que pour AGREGA, la structuration de cet environnement géographique se base sur des objets vectoriels (points, lignes, polygones, …) et se démarque donc de l’approche classique (comme Bousquet et al, 1998) qui vise à structurer l’espace en grille, un élément de cette grille étant une cellule portant un bloc unique d’informations. L’approche par grille, en effet, si elle est toujours utilisée de nos jours, implique souvent une simplification des informations à représenter (ex : si la cellule est constituée à 85% de forêt, alors la cellule est une forêt) et donc des pertes d’informations (les 15% pour l’exemple précédent) qui pourraient s’avérer importantes lorsque trop récurrentes.
Pour l’évaluation des impacts environnementaux des différentes simulations, celle-ci se fera via une démarche d’analyse du cycle de vie (ACV), qui sera couplée à la méthode SMA. Cette démarche ACV peut parfaitement s’intégrer à l’outil AGREGA puisque ce dernier vise à simuler différents scénarios de production de granulats. Il est donc possible de faire un parallèle entre la définition des objectifs et du champ de l’étude d’une ACV et les objectifs de l’outil AGREGA. Les informations permettant d’évaluer les impacts environnementaux (Inventaire du Cycle de Vie) pourront être associées aux différents agents (producteur, consommateur, recycleur, etc.). Ainsi, ce serait par exemple (a) un agent producteur qui évaluerait les impacts environnementaux de la phase extractive réalisée par lui et (b) l’agrégation des impacts environnementaux de l’ensemble des acteurs seraient gérés par des agents « de synthèse » construits à une échelle supérieure. La structure précise de cette intégration ACV-SMA reste à affiner durant le projet. L’essentiel est que le modèle SMA à construire permette la réalisation d’une ACV complète avec respect des normes requises par celle-ci.
Pour les études des enjeux d’acceptabilité sociétale de l’activité granulats, la simulation par SMA, qui dispose déjà en soi d’une capacité d’appui à une analyse sociologique en aide à la concertation, dans un cadre multicritères et multi-acteurs (Daré, 2005), sera intégrée dans une démarche d’évaluation plus globale dénommée INTEGRAAL (Maxim et O’Connor, 2009) afin de renforcer la qualité des résultats à ce niveau. INTEGRAAL est une démarche qui, à travers 5 étapes principales (dont la réalisation n’est pas forcément linéaire), vise à engager experts et parties prenantes dans un processus d’évaluation intégrée.
Le livrable principal du projet sera un support méthodologique constitué :
- d’un rapport décrivant tout le travail réalisé durant le projet, en mettant l’accent sur les apports (et éventuellement les limites) de la méthodologie choisie pour décrire et pour analyser la problématique granulats.
- l’outil de simulation ISATEM dans sa version opérationnelle autonome, et l’outil en ligne KERSDT dans sa version mise à jour pour le projet. Les outils ne peuvent être valables sans le premier rapport.
- toutes les données publiques, en entrée ou compilée
- toutes les communications / publications scientifiques réalisées
- tous les rapports de consultation de comités d’utilisateurs
- un site web
La qualité de ce livrable pourrait être évaluée selon les critères suivants :
- la pertinence des analyses méthodologique et thématique décrites dans le rapport ;
- le nombre de publications/communications acceptées
- la capacité de l’outil à produire des supports d’information (cartes, courbes) compréhensibles et utilisables (au sens thématique du terme) et intégrables dans les documents classiques type rapport, comme le document type Schéma des Carrières.
- le niveau d’acceptation finalement de l’outil atteint par rapport à la profession, à l’administration et à d’autres décideurs …
A noter que la valeur thématique des cartes et des courbes produites par l’outil, même s’ils doivent être pertinentes aux yeux d’un expert, ne constituent pas en soi un livrable à valoriser par le projet, sauf à titre d’illustration méthodologique. Cela signifie que l’utilisation ou non d’une valeur thématique relèvera de la responsabilité de l’expert et non de celle du projet même si la construction de cette valeur thématique sera menée d’une manière minutieuse tout au long du projet de façon à avoir des résultats validés par les utilisateurs.
Sur l’objectif du projet, une méthode et un outil de simulation prospective pour une analyse intégrée du marché des granulats naturels et recyclés à l’échelle régionale administrative n’existent pas encore à ce jour, alors que les schémas de carrières vont bientôt tous être à dimension régionale. En particulier, un système cartographique dynamique opérationnel, pour appuyer la mise en place et l’analyse de l’évolution de zones de productions primaires et secondaires des régionaux constitue une des innovations de la démarche. En se positionnant ainsi, le projet accompagne donc par anticipation, cette migration progressive.
Sur l’application, le projet a pour ambition d’appliquer le travail à la problématique complexe du marché de l’Ile-de-France. Ambition car cela nécessiterait un recueil et une compilation (calage, croisement …) des données (économiques, environnementales, géologiques, géographiques, …) non seulement de l’Ile-de-France, mais également de toutes les régions qui l’approvisionnent, puis une représentation des résultats, compréhensibles par les utilisateurs au niveau d’abstraction qu’ils souhaitent.
Sur la méthode de travail, le rapprochement de deux méthodes multicritères et multiacteurs (SMA et INTEGRAAL), pour conceptualiser et pour analyser d’une manière plus approfondie les enjeux sociétaux liés aux filières granulats naturels et recyclés revêt un aspect à la fois ambitieux (car demandant une meilleure compréhension de comportements des acteurs humains) et novateur car il va au-delà d’une conceptualisation des critères uniquement économiques, environnementaux, ou géographiques (incluant géologiques) classiquement présents dans ces types de modèles. La méthode SMA est adaptée pour la simulation des acteurs mais risque d’être toujours perçue comme restant à un niveau conceptuel. La méthode INTEGRAAL est davantage éprouvée et validée auprès d’acteurs, dans différentes situations, mais elle n’intègre pas (avant AGREGA) la méthode simulation, souvent indispensable pour comprendre les évolutions à long-terme des situations.
Enfin, sur le plan modélisation, le choix d’une structuration spatiale basée sur la manipulation directe des objets vectoriels (points, lignes, polygones) pour raisonner dynamiquement en termes de recherche des localisations spatiales des zones de production primaires et secondaires, est novateur comparé à un modèle spatial classique (comme Bousquet et al, 1998) maillé basé sur des grilles et des cellules, très souvent utilisé, et d’ailleurs, utile, mais avec les inconvénients de perte d’informations. AGREGA vise à analyser dans le temps la topologie d’une région, qui peut très bien être géométriquement complexe mais plus précis et donc plus fiable en qualité de résultats.