Thesis
Le développement durable comme mutation inéluctable vers un capitalisme responsable ? Une analyse de l’interaction entreprise-société dans la détermination d’une responsabilité sociétale des entreprises contributive d’un Développement Durable
I. IDENTITY
II. DESCRIPTION
III. FILTERS
Cette thèse, réalisée au sein du C3ED via une allocation de recherche ministérielle, s’attache à présenter, en réponse aux enjeux d’un développement durable, la manière dont les entreprises sont aujourd’hui amenées à assumer concrètement une Responsabilité Sociétale (RSE).
Ce concept, présent en filigrane de l’histoire du capitalisme industriel, demeure néanmoins controversé. Alors qu’il est rejeté par le courant libéral, réduisant la responsabilité de l’entreprise à sa dimension fiduciaire, plusieurs courants véhiculent des interprétations différentes de la RSE, sans qu’aucune ne s’impose véritablement.
Loin de cette controverse théorique, le reporting social et environnemental des grands groupes illustre des pratiques effectives de la part des entreprises, soulignant ainsi le besoin de définir un cadre pratique susceptible de mieux refléter la dimension opérationnelle de ce concept.
Aussi cette thèse interroge-t-elle la manière dont les frontières de la RSE sont définies, c’est-à-dire comment les entreprises décident de consentir des innovations sociales et environnementales, et comment celles-ci évoluent dans le temps. Il s’agit en fond de comprendre la dynamique de RSE induite par les enjeux de développement durable, et ce que cela implique dans la transformation de la relation entreprise-société, avec ses conséquences en termes de transformation du capitalisme.
Afin de mieux capter la dynamique conduisant au développement de la RSE, nous nous sommes concentré à développer le cadre d’une ‘RSE Incompressible’, à savoir une RSE minimale déterminant les questions sociales et environnementales qu’une entreprise donnée ne peut pas ne pas prendre en considération. Centré sur les raisons et besoins pour lesquels les entreprises pratiquent et revendiquent aujourd’hui une RSE, ce cadre échappe au débat infructueux entre un déni de responsabilité ou une considération purement généreuse de celle-ci.
Ainsi le cadre d’une ‘RSE incompressible’ permet-il de mettre en évidence les ressorts opérationnels et stratégiques qui conduisent une entreprise à internaliser ces questions dans son modèle de production, dans le but de conforter la pérennité de son activité.
Notre démarche a donc été focalisée sur l’observation et la description des pratiques d’une quarantaine de grands groupes dits ‘en pointe’ sur ces questions, en France, aux Pays-Bas et en Belgique. Près d’une centaine d’entretiens a été conduite auprès de responsables DD, d’organisations de la société civile (ONG, Syndicats, Associations de consommateurs, etc.), d’acteurs périphériques (conseil, agences de notation, etc.), d’organisations professionnelles et d’institutions (Commission Européenne, etc.). Le comportement des entreprises a ainsi été analysé sous plusieurs angles, en termes d’organisation, de déploiement de la RSE, d’articulation au sein du groupe, de relations aux parties-prenantes ou encore de spectre social et environnemental couvert.
L’analyse des pratiques des entreprises sous l’angle de la nécessité d’innover a permis de mettre en évidence plusieurs résultats contribuant à enrichir le concept de RSE de manière opérationnelle.
Nous avons tout d’abord montré l’évolution contextuelle qui aujourd’hui oblige par nécessité le recours à la RSE, loin de la spontanéité et du volontarisme souvent mis en avant. Cette tendance répond en effet à une nécessité pratique des entreprises soumises à de nouvelles dépendances croissantes vis-à-vis de la société. C’est le mouvement conjoint de plusieurs phénomènes concomitants qui conduit à augmenter ainsi cette dépendance de l’entreprise à la société, rendant incontournable un certain degré de RSE. Il s’agit notamment de la fragilisation de la capacité régulatoire des Etats, de l’internationalisation de l’économie, de la vulnérabilité accrue des entreprises en raison de l’augmentation notable de la part immatérielle de leur capital (réputation, image liés à la confiance des parties prenantes traditionnelles et élargies, etc.), de l’exigence croissante chez les citoyens d’un partage équitable des risques (Société du risque).
Résultat d’un changement des lignes de dépendance-autonomie entre l’entreprise et la société, la RSE permet de répondre a minima à des tensions croissantes sur les questions sociales et environnementales dans une dynamique croissante qui détermine l’avènement d’une tendance de développement plus durable. Cette dynamique s’opère lentement, en fonction du coût d’opportunité de l’innovation, compte tenu des risques et opportunités issus des tensions entreprise-société. L’appréciation de ce coût d’opportunité repose essentiellement sur des éléments qualitatifs tirés d’un faisceau de signaux faibles, permettant de juger de la maturité de ces différents risques et opportunités et donc de l’intérêt ou nécessité pour l’entreprise d’innover. Face à l’indétermination et au caractère graduel de la RSE, les entreprises recourent à des stratégies de dédouanement pour conforter leur pérennité.
Le cadre de ‘RSE incompressible’ représente les efforts incontournables qu’une entreprise doit a minima consentir pour conforter sa pérennité. La RSE est entendue comme nécessité, définissant les contraintes et opportunités de productions exprimées par les tensions entre entreprise et société. Ainsi la dépendance de l’entreprise à la société impliquera-t-elle d’assumer certaines responsabilités, quand en même temps la maturité de la société ouvre de nouvelles opportunités de développement. La dynamique de durabilité est définie par cette interaction complexe où le niveau de maturité d’une société sur les questions sociales et environnementales détermine au cas par cas le niveau d’une ‘RSE incompressible’.
Quelle responsabilité sociale peut-on attendre d’une entreprise?
Comment définir les frontières de celle-ci?
Comment les entreprises en viennent-elles à consentir des innovations sociales et environnementales?
Comment déterminent-elles leurs choix?
Voici le type de questions que cette thèse aborde pour définir une ‘RSE incompressible’, exprimant le seuil minimum d’innovation sociale et environnementale en-deçà duquel la pérennité de l’entreprise est fragilisée.
Liens avec d’autres projets:
Lebarbier C., 2009, Entre déni de responsabilité et générosité : proposition d’un cadre de ‘RSE incompressible’, Cahier du C3ED, septembre, 25 p.
Lebarbier C., 2009, D’une légitimité implicite à une nécessaire légitimation de l’entreprise : la RSE comme 3ème voie de régulation contemporaine du capitalisme, Cahier du C3ED, Rambouillet, juillet, 20 p.
Lebarbier C., 2009, Facteurs de risques, motifs et moteurs d’une démarche RSE : une typologie des réponses stratégiques des grandes entreprises néo-zélandaises aux enjeux de RSE, Cahier du C3ED, à venir.
Lebarbier C., 2009, Droit de propriété et Droit de regard : la RSE en transparence, Cahier du C3ED, à venir.
Lebarbier C., 2009, La pertinence des frontières d’une politique de RSE : un concept complexe appréhendé par des signaux faibles, Cahier du C3ED, à venir.