Broceliande Grains
1.3 Production biologique et chaînes trophiques marines
1.3.1. La production primaire
La production primaire consiste en la production de matière vivante à partir de nutriments minéraux, d’eau, et d’une source d’énergie (en général la lumière). Elle est essentielle à la vie sur terre car elle est à l’origine de toute chaîne trophique. En mer, elle est majoritairement réalisée par le phytoplancton (figure 5) : il produit de la matière vivante en utilisant l’énergie lumineuse. Cette matière vivante est ensuite consommée par des herbivores (consommateurs), qui serviront eux même de nourriture à des carnivores (carnivores I). Puis, les carnivores II se nourrissent des carnivores I etc. Ainsi, la production primaire phytoplanctonique est à la base de la vie dans les océans (figure 5).
Fig. 5 : La chaîne trophique (chaîne alimentaire) dans les océans (source : www.eaurmc.fr)
Cette production primaire phytoplanctonique est basée sur la photosynthèse, ce qui signifie que le phytoplancton utilise l’énergie lumineuse pour créer de la matière vivante, à partir de gaz carbonique, de nutriments et d’eau (figure 6), tout comme le font les plantes sur terre.
Fig.6 : Représentation schématique de la photosynthèse
Cette production primaire se quantifie par le taux de croissance et la productivité* du phytoplancton.
Pour que la création de matière vivante (production biologique) puisse avoir lieu, un certain nombre de conditions doivent être réunies : tout d’abord, il faut qu’il y ait suffisamment de lumière car c’est la source d’énergie qui va permettre la photosynthèse. Il faut également des nutriments : de l’azote pour la production de protéines, du silicium ou du calcium pour la création des tests (coquilles) de certaines espèces de phytoplancton… La température agit comme régulateur de la production photosynthétique : plus la température est élevée, et plus la réaction se produit rapidement. On remarquera que, dans les océans, contrairement à ce que l’on observe sur terre, l’eau et le gaz carbonique ne sont pas des facteurs limitants de la photosynthèse car ils sont présents en abondance. En revanche l’absence de certains nutriments ou l’absence de lumière peut empêcher la réaction de photosynthèse de se produire, et donc la création de matière vivante.
Ainsi, dans les océans, la production primaire est confinée dans des zones riches en nutriments et lumineuses. D’autre part, elle est favorisée par une température élevée de l’eau.
1.3.2. La stratification, une limite pour la production primaire dans les océans
La figure 7 présente les variations annuelles de la production primaire phytoplanctonique en secteur océanique tempéré.
- En hiver, la couche de surface se refroidit. Il y a donc une faible différence de température entre l’eau de surface et le reste de la colonne d’eau : la thermocline disparaît et les nutriments sont répartis sur l’ensemble de la tranche d’eau (il y a mélange). Néanmoins, la couche d’eau de surface est alors froide et la luminosité est peu élevée, de sorte que la production primaire demeure faible.
- Au printemps, la couche de surface se réchauffe et la luminosité augmente. On assiste alors à ce que l’on appelle le phénomène de « bloom » phytoplanctonique, marqué par une efflorescence rapide et forte du phytoplancton dans la couche d’eau de surface. La production primaire est alors très élevée. Ce phénomène de bloom se poursuit jusqu’à ce que le pool de nutriments présents soit épuisé : en effet, il n’y a presque plus d’apports de nutriments venant des couches profondes à cause de la thermocline. De plus, lorsque le phytoplancton meurt, il sédimente ; ceci correspond à une exportation de matière organique et donc de matière nutritive vers les couches d’eau profondes.
- En été, il n’y a plus suffisamment de nutriments dans la couche de surface : la production primaire est faible.
- En automne, la couche d’eau de surface se refroidit et la thermocline disparaît peu à peu. De plus, les échanges entre les deux couches d’eau sont favorisés par les premières tempêtes (qui créent du mélange). Néanmoins, la luminosité diminue en même temps que la température en surface : la production primaire reste modérée.
La figure 8 illustre les variations, sur une année, de l’intensité lumineuse, de la teneur en nutriments et de la biomasse phytoplanctonique dans la couche d’eau de surface en Manche. Le bloom phytoplanctonique du printemps y est bien visible.
Fig. 8 : Cycle des éléments essentiels au cours d’une année en Manche : sels nutritifs, silice, intensité lumineuse et biomasse phytoplanctonique (d’après : Collignon, 1991)
En secteur océanique tropical, la thermocline est permanente. Ainsi il n’y a presque jamais d’échange entre la couche d’eau de surface (pauvre en nutriments, claire et chaude) et le reste de la colonne d’eau (riche en nutriments, sombre et froide).
La production primaire phytoplanctonique est par conséquent faible en secteur océanique tropical.
Pour conclure, on retiendra que la production primaire dans les océans est très limitée à cause du phénomène de stratification. En effet, la stratification limite les échanges entre la couche d’eau de surface et le reste de la colonne d’eau (cf. paragraphe 1.2.1). Or, la matière organique et donc la matière nutritive ont tendance dans l’océan à tomber vers le fond par décantation. Ainsi, la couche de surface est chaude et lumineuse, mais généralement pauvre en nutriments, tandis que le reste de la colonne d’eau est riche en nutriments, mais froid et sombre. La production primaire est par conséquent faible dans l’océan.
1.3.3. La production bactérienne
La production bactérienne joue aussi un rôle dans la production en milieu marin.
Il s’agit tout d’abord d’une production conséquente de matière organique (de l’ordre de 5 à 30 % de la production totale). Les bactéries utilisent la matière organique issue des organismes morts (dont le phytoplancton) pour produire à nouveau de la matière organique. Il s’agit en fait d’une forme de recyclage. La production bactérienne est ainsi localisée dans les mêmes zones que la production primaire, donc en surface.
D’autre part, l’action des bactéries limite la sédimentation de la matière organique vers le fond des océans, où elle est mal utilisée : les bactéries permettent donc de garder une partie de la matière organique produite par le phytoplancton disponible pour le reste de la chaîne trophique.
1.3.4. Conclusion : l’océan : un milieu où la production biologique est majoritairement faible
Pour qu’il y ait production primaire, il faut que les conditions nécessaires à la photosynthèse (lumière et nutriments) soient réunies. Or, les océans sont majoritairement des zones sombres (cf. paragraphe 1.1). En surface, la luminosité est généralement suffisante, mais la sédimentation de la matière organique et le phénomène de stratification limitent fortement les quantités de nutriments disponibles dans la couche d’eau de surface : la production primaire est limitée.
Ainsi, la production biologique des océans est très faible : elle est de l’ordre de 50 g de carbone par mètre carré et par an (C/m2/an) en moyenne. Sur terre, la productivité biologique moyenne est de 160 g de C/m2/an. A l’exception des zones côtières, la productivité de l’océan est comparable à celle des déserts sur terre. Les océans sont donc des zones très peu productives.